Outremers360 : Vous avez créé la Start-up Sargasse Project, qui a pour objectif de convertir les algues Sargasse en un biomatériau utile et écologique : comment l’idée vous est-elle venue ? Pierre-Antoine Guibout : L’idée est partie tout d’abord d’un autre projet industriel : relancer une marque de cirage et produit d’entretien tombé dans l’oubli, la marque Cygne Noir. Avec mon associé Yohan Adam, nous souhaitions d’abord utiliser les sargasses dans la formule de ces produits car cela nous semblait aberrant de voir cette matière première néfaste échouer de plus en plus massivement sur nos côtes sans rien en faire.Nos premières recherches n’ont malheureusement pas abouti. Nous nous sommes alors tournés vers l’utilisation des sargasses dans le packaging de nos futurs produits. Aucune société n’étant capable de nous proposer des cartons à base de sargasse, j’ai décidé de faire des tests moi-même et après de nombreux essais, j’ai réussi à fabriquer ma première feuille de papier, 100 % sargasses. C’est à partir de là que l’aventure a commencé !Les emballages que vous créez à partir des sargasses sont, si j’ai bien compris, destinés à contenir la cire de votre entreprise Cygne Noir ? Est-ce que vous avez d’autres clients, industriels intéressés par votre produit ? Effectivement l’idée est d’être nos premiers clients, en quelque sorte. Ceci étant, tous les industriels qui nous demandent de leur expédier des échantillons de pâte sont autant de potentiel client à l’arrivée. Nous avons, dans ce sens, suscité la curiosité de grands noms du domaine. On peut voir sur votre site que vous travaillez sur une « fabrique pilote ». Pouvez-vous nous en dire plus ?L’idée de produire nous-même des produits finis à partir de notre pâte a germé quand nous avons rencontré un fournisseur de machine capable de produire des objets en celluloses moulés qui sont facilement transportable par conteneur sur, par exemple, le territoire insulaire lourdement impacté par les échouements massifs de sargasse. Dès lors que nous aurons des commandes fermes de pâte relativement importante nous allons lancer notre fabrique industrielle de pâte qui verra le jour en Guadeloupe, pour une question d’approvisionnement et de logistique évident pour un premier lieu d’exploitation. Cette fabrique sera modulable et facilement adaptable à la saisonnalité dès échouements. Ainsi dans le futur, nos différents sites de production seront connectés pour pouvoir constamment s’adapter au tonnage de sargasse, et travailler en modulant nos cuves d’un site à un autre. L’échouage des algues sargasses est une réelle problématique dans toute la Caraïbes : avez-vous exploré d’autres façons de réutiliser ces algues ?Pour le moment, nous nous concentrons sur ce type de valorisation, qui nous demande déjà beaucoup de temps et d’énergie ! Nous préférons aller au bout de cette idée qui nous semble la plus pérenne, mais nous savons qu’il y a d’autres sociétés qui travaillent sur ces sujets et nous espérons à terme qu’il existe de nombreuses solutions de valorisation des algues sargasses. Vous avez remporté le Grand prix Outre-mer du Tech4Islands Awards 2021 : qu’est-ce que cette récompense peut vous apporter ? Nous sommes vraiment heureux de voir que Sargasse Project continue à obtenir autant de soutien, cela nous apporte en premier lieu beaucoup de motivation pour continuer à travailler sur ce projet et le mener à bien. C’est aussi une très belle visibilité pour les innovations d’Outre-mer, et nous sommes bien entendu ravis de pouvoir bénéficier du soutien des nombreux partenaires des Tech4Islands Awards comme les séances de coaching auprès d’entrepreneurs reconnus.Lire aussi : Tech4Islands Awards : Nīnamu Solutions, un potager « clé en main » pour cultiver des produits vivriers locauxTech4Islands Awards : Le SWAC, une solution insulaire pour économiser l’énergie froid en minimisant l’impact environnemental